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Journées d’études : Les élites économiques au sud de la Méditerranée, 3 & 4 décembre 2018, Faculté ALLSH

jeudi 22 novembre 2018, par Rédaction LEST

Journée d’étude du projet amorce CONPOSEE – Conflits politiques et structures des élites économiques. organisée, par H. Ben Hamouda, F.-X. Dudouet, A. Gallin, M. El Miri, I. Erdinc, Y. Morvan, M. Oubenal, G. Promsopha, A. Vion

Présentation

Cette journée d’études clôt les travaux d’un projet amorce du LabexMed sur les élites économiques méditerranéennes, et vise à ouvrir un ensemble de chantiers pour structurer des coopérations scientifiques futures dans une logique à la fois comparative et transnationale.

En matière d’affaires et d’organisation du capitalisme, le terme d’élites est un terme commode, parce qu’il entretient un flou conceptuel entre d’une part une vision transcendante des vertus et des talents (Saint-Simon), et d’autre part une vision plus immanente de l’accès à des positions sociales valorisées, et des modalités de sa reproduction (Mills). Si les expressions corporate eliteou business eliteont été souvent employées depuis Mills par les chercheurs anglo-saxons, leur usage a connu une forte croissance à l’échelle mondiale après la crise de 2008. Trois difficultés classiques se présentent à ce champ d’étude :

  1. Y a-t-il homogénéité d’un groupe social dominant à travers des mécanismes de sélection et de reproduction, ou observe-t-on des lignes de partage et de conflit savamment entretenues au cours du temps, et laissant ouverte la structuration des places ?
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  2. S’intéresse-t-on prioritairement aux positions dans des chaînes de décisions ? Aux revenus ? A un type d’organisation particulier (la grande firme multinationale) ? Ou plus largement à la direction des grandes bureaucraties publiques comme privées ?
  3. Borne-t-on l’étude aux sociétés nationales ou doit-on considérer l’internationalisation des modes de production des élites ?

Ces difficultés classiques sont très aiguës lorsqu’on s’intéresse aux espaces sociaux et politiques du Sud de la Méditerranée. L’analyse des capitalismes méditerranéens souligne depuis longtemps la place de l’entrepreneuriat et des tissus de PME locaux, le poids des variables politiques et religieuses régionales dans la structuration des milieux d’affaires, et le rôle des échanges transnationaux dans la construction des chaînes de valeur. Or, dans ce tableau général, le premier problème tient à la faible place faite à l’étude empirique systématique des structures de relations entre dirigeants de grandes entreprises, hauts fonctionnaires, experts d’organisations internationales, etc. De ce point de vue, il reste difficile de savoir dans quelle mesure les grandes transformations structurelles liées aux conflits armés, aux « révolutions arabes » et aux migrations Sud-Nord et Nord-Sud, ont affecté ces relations. D’un côté, la stabilité de certaines institutions sociales laisse penser que ces grandes transformations n’ont pas totalement bouleversé l’organisation des milieux d’affaires nationaux. De l’autre, les enjeux militaires, monétaires et financiers ont de puissants effets de recomposition. Ceux-ci prennent la forme de logiques de purges, comme en Turquie contre les proches de Gülen, ou de phénomènes de circulation des élites au sens de Pareto, comme en Tunisie ou en Grèce. Quoi qu’il en soit, les stratégies d’influence des grandes puissances semblent jouer à plein dans les processus. L’exemple de la prise de contrôle économique du port du Pirée par la Chine indique, parmi bien d’autres, que de nouvelles configurations se mettent en place. De ce point de vue, les grilles de lecture appuyées sur l’évolution des sociétés nationales font obstacle à la compréhension de certaines recompositions en cours. Les élites économiques du Maghreb, de la Turquie, de Chypre, Malte, etc., se recomposent notamment en nouant de nouvelles alliances économiques internationales et transnationales, en jouant de nouveaux rôles d’intermédiation financière entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne, et en modifiant corollairement leurs modes de formation et de cooptation.

Entre les deux hypothèses trop simples d’une stabilité relative des élites économiques et d’un « grand renversement » régional, il nous semble utile d’avancer en mettant en relation l’organisation des milieux d’affaires, l’évolution des réseaux transnationaux, les modes de formation et de sélection des élites, et les modalités de contrôle du régime de dette ; et en portant une attention soutenue aux enjeux méthodologiques que soulèvent l’interprétation et la mise en relation des faits sociaux observés.

Organisation des milieux d’affaires

Les printemps arabes ont conduit à de profonds bouleversements sociétaux dans les pays où ils se sont déroulés. Dans les autres Etats limitrophes, ils ne furent pas sans effets. De quelles manières ont-ils affecté les milieux d’affaires nationaux ? Les élites économiques ont-elles traversé les transformations politiques de ces dernières années sans encombre, ou, au contraire, ont-elles connu de profondes modifications ? A l’instar des élites politiques, a-t-on vu une nouvelle génération de dirigeants économiques apparaître ? Doit-on supposer une autonomie des mondes économiques et comment évaluer leurs rapports à l’Etat ? Si la morphologie sociale des dirigeants économiques n’a guère évolué, qu’en est-il des modèles économiques et du rôle que jouait autrefois l’Etat dans l’organisation et le financement du tissu productif ?

Réseaux transnationaux

Les sociétés du sud de la Méditerranée sont insérées depuis longtemps dans des systèmes de relations asymétriques. Quelle influence ont eu les crises politiques sur les relations avec le reste du monde ? Au-delà des discours d’ouverture, les élites économiques du sud de la Méditerranée se sont-elles émancipées de la tutelle européenne ? Y’a-t-il eu une recomposition des influences européennes. Quel est le rôle que jouent les investisseurs venus d’Allemagne, de Turquie et de Chine ? Quelles sont les stratégies et les investissements qu’ils développent en Afrique Sub-saharienne ? Quelle est la part de l’informel dans la gestion et le contrôle des flux économiques ? Comment se construisent des places financières offshore sur les rives de la Méditerranée ?

Formation et sélection

Comme dans les sociétés occidentales, la sélection des élites économiques se caractérise par une forte valorisation des capitaux scolaires, à travers la construction de parcours d’excellence internationaux. A propos des formations à l’étranger, de quelle manière les passages à l’étranger concourent-ils à fabriquer un nouveau type d’élite, et comment évolue dans le temps le spectre des cursus valorisants ? En termes de réseaux de socialisation internationaux et nationaux, observe-t-on, de la même manière, de nouveaux effets de valorisation et de dévalorisation des capitaux symboliques ? Quels alliés et partenaires d’hier deviennent-ils des amis encombrants ? Comment sont reconvertis des capitaux internationaux légitimes, ou recyclés des capitaux devenus illégitimes ? Quel rôle jouent les grandes organisations internationales en la matière ? Peut-on identifier les agents qui, impliqués dans l’expertise publique nationale, y opèrent l’appropriation des savoirs de gouvernement et des formes de connaissance valorisées dans ces grandes organisations.

Régime de dette

La dynamique du surendettement contraint à mettre en place de régimes de restructuration de la dette. Ces régimes ont souvent un effet d’accélération des recompositions sociales. Quelles sont les ressources mobilisées par les élites économiques dans les négociations avec les institutions financières ? Selon quelles modalités pratiques les interdépendances financières remettent-elles en cause les hiérarchies établies entre ces institutions ? Comment affectent-elles les modes d’organisation des relations d’affaires ?

A travers ces quatre questionnements, sur lesquels nous entendons animer une discussion ouverte entre chercheurs, nous espérons définir des enjeux d’enquête et des projets de collaboration susceptibles de décloisonner les groupes de recherche existants et d’avancer dans la structuration d’un réseau de recherche sur ces questions.

Programme

LUNDI 3 DECEMBRE 2018

Bâtiment Egger, Salle C 601

  • 10 H - 10H30 : ACCUEIL
    • Pour le LabexMed : Annabelle Gallin
    • Pour le RT Elites de l’AFS : François-Xavier Dudouet (IRISSO)
    • Introduction générale : Antoine Vion (LEST)

  • 10 H - 12 H 30 : STRUCTURATION DES MILIEUX D’AFFAIRES : OUVRIR UNE PERSPECTIVE COMPARATIVE
    Discussion : Charles Aymard (LEST)
    • Hommes d’affaires et entreprises en Turquie
      Isil Erdinc, IRISS0, Paris-Dauphine.
    • Les élites économiques au Maroc et en Tunisie
      Mohamed Oubenal, IRCAM, et Houda Ben Hamouda, SIRICE, ERC Tarica.

  • 14H – 16H : RECOMPOSITION DES RESEAUX TRANSNATIONAUX
    Discussion : Mustapha El Miri (LEST)
    • Les réseaux transnationaux des patrons turcs en Afrique
      Dilek Yankaya, CHERPA, Sciences Po-Aix.
    • La recomposition des réseaux financiers transnationaux : hypothèses de travail
      Antoine Vion, LEST – AMU.

  • 16H30-17H30 : TABLE-RONDE : LA FORMATION DES ELITES ECONOMIQUES MEDITERRANEENNES : UN ENJEU DE RECHERCHE
    Animation : François-Xavier Dudouet
    • Eric Verdier, LEST
    • Dilek Yankaya, CHERPA
    • Mohammed Tozy, CHERPA
    • François-Xavier Dudouet (IRISSO)

  • 18h00 – 19h : Présentation par Michel Péraldi de son ouvrage Marrakech, le souk des possibles, paru aux Editions La Découverte le 18 octobre 2018.

MARDI 4 DECEMBRE 2018

Bâtiment Egger, Salle C 601

  • 9H30 – 10H15 : BILAN DE LA PREMIÈRE JOURNÉE ET DISCUSSION GÉNÉRALE

  • 10H30 -12H : QUESTIONNEMENTS SUR LES RÉGIMES DE DETTE
    Discussion : Antoine Vion, LEST
    • Istanbul, métropole à crédit
      Yoann Morvan, IDEMEC
    • La dette grecque : jalons pour l’études d’une restructuration. Droit, statistiques et finance
      Benjamin Lemoine, IRISSO

  • 14H : CONCLUSION & PROJETS au LEST